JOSEPH YACOUB: Non à la partition de l'Irak


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Posted by andreas from dtm2-t8-1.mcbone.net (62.104.210.78) on Tuesday, February 18, 2003 at 6:59AM :


A short pre-note:

"Au nom de Dieu. Les Guerres de religion d'aujourd'hui et de demain"

Joseph Yacoub [Assyrian]

Cet ouvrage de Joseph Yacoub, enseignant à L'IDHL, dresse le premier état, global et prospectif, des guerres saintes qui menacent la planète. Plus encore, il invite à méditer l'essence spirituelle de l'homme comme source de paix.


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Source: Le Firago (France)

Débats/Opinions / ARTICLE

Non à la partition de l'Irak


PAR JOSEPH YACOUB *
[17 février 2003]

Le vice-premier ministre irakien, Tarek Aziz, chaldéen catholique lui-même, originaire de Tell Keif a été reçu, en audience privée, par le pape Jean-Paul II et s'est rendu à Assises afin de prier pour la paix. Une visite précédée par celle du cardinal français Etchegaray en mission à Bagdad.
C'est que contrairement à la propagande dominante, l'Irak n'est pas un désert comme le laissaient entendre les opérations «Tempête du désert» et «Renard du désert». Contrée surchargée de valeurs symboliques, l'Irak est la genèse du monde civilisé, un berceau majeur du christianisme et un centre important de l'islam chiite. Faut-il rappeler qu'Abraham, père des croyants, sortit d'Ur en Chaldée et que Thomas l'Apôtre y prêcha l'Evangile ? Cette ville d'Ur que le Pape souhaitait visiter en l'an 2000 et que les chrétiens de ce pays attendaient impatiemment...

La force de ce pays réside dans son unité et toute menace à son intégrité territoriale aurait des conséquences catastrophiques qui embraseraient toute la région. Or les projets qui se préparent outre-Atlantique semblent aller dans le sens de son démembrement. Comme toujours à la veille d'une guerre, on redessine les cartes en vue de créer des Etats satellisables et sans défense. Dans un monde tenté par le sécessionnisme, ces micro-Etats ethniques et religieux feraient l'affaire des forces économiques et financières et des puissances politiques. Dans un entretien accordé au Figaro, Tarek Aziz, déclarait : «Les Etats-Unis veulent nous coloniser, puis nous diviser en Etats ethniques et religieux». A ce propos, il est important de relever les propos tenus par le ministre Dominique de Villepin au Conseil de sécurité de l'ONU le 5 de ce mois, plaidant en faveur du maintien de l'intégrité territoriale de l'Irak et de sa souveraineté.

Dans «l'hypothèse de recours à la force, en dernière extrémité contre l'Irak», plusieurs réponses, dit-il, devront être clairement apportées vis-à-vis de tous les gouvernements et de tous les peuples du monde pour en limiter les incertitudes. Dans le cadre d'une telle option, «les Nations unies devront être au coeur de l'action pour garantir l'unité de l'Irak, assurer la stabilité de la région, protéger les populations civiles et préserver l'unité de la communauté internationale».

Dans le concert international discordant actuel, la position française est à saluer. Fidèle à sa politique arabe, la France a toujours défendu l'unité de l'entité irakienne depuis 1991. Si c'est au peuple irakien que revient le choix de choisir ses dirigeants sans ingérence étrangère, et de disposer librement de son sort, la France avance quelques pistes de réforme relatives à la nature et la forme de l'Etat, et à son idéologie, dans le but du maintien des équilibres. Il est certain qu'aucun changement louable ne peut provenir des mouvements islamistes –en l'occurrence chiites – ou des Kurdes. Un intégrisme religieux plongerait le pays dans l'obscurantisme et engen drerait un fanatisme aux con séquences incalculables. Ce serait un événement sans précédent dans les annales de ce pays. Les chrétiens, au nombre d'un million, en feraient, les premiers, les frais.

Quant à l'alternative ethnique, «à la kurde», elle ouvrirait la boîte de Pandore, tant redoutée pour l'Irak et l'ensemble des pays arabes. Dans une telle hypothèse, et vu la complexité ethnique et religieuse irakienne, il ne faudrait pas s'étonner de voir les communautés se dresser les unes contre les autres et entretenir des conflits permanents.

L'Irak a toujours été rétif à l'occupation étrangère et a fait son unité dans les larmes. Depuis 5 000 ans son histoire est mouvementée et ensanglantée. Pierre Rossi, ancien directeur du centre culturel français à Bagdad, intitulait son livre sur ce pays : L'Irak des révoltes. La rébellion contre la colonisation britannique en 1920 est présente dans toutes les mémoires. Il a fallu aux Anglais plusieurs mois pour la mater.

La construction identitaire du pays s'est réalisée autour de deux pôles : irakien et arabe. Et les traditions panarabes datent d'avant l'arrivée du Baas au pouvoir. Toute rupture avec l'arabisme, prônée par certains opposants irakiens, serait source de fractures au sein de la société irakienne. Par ailleurs, l'arrivée du parti Baas au pouvoir (1968) fut un tournant, car cet événement a marqué non seulement un ancrage plus fort dans l'idéo logie nationaliste arabe, mais, chose importante, il lui a donné une orientation républicaine et laïque. Le nati onalisme arabe sera un rempart contre l'intégrisme et contre le fondamentalisme wahabite. D'ailleurs, la loi fondamentale irakienne a consacré ces principes. Concernant la référence à l'islam, elle est très timide et ne va pas au-delà de : «L'islam est la religion de l'Etat» (art. 4).

A cela s'ajoute le fait que le pays revendique une filiation directe avec l'histoire ancienne de la Mésopotamie, ce qui est un progrès notable dans l'idéologie nationaliste arabe. En outre, les années 70 ont vu une ouverture en direction des populations ethniquement non arabes, mais qui s'est accompagnée d'une répression impitoyable notamment à l'encontre des Kurdes. Concernant la question des nationalités, la Constitution irakienne reconnaît, que le peuple d'Irak est composé de «deux nationalités principales» qui sont les Arabes et les Kurdes et «d'autres nationalités». Par «autres nationalités», on entend les Assyriens, les Chaldéens et les Syriaques, qui sont reconnus dans leurs droits culturels. Le Muhafasat (gouvernorat) de Mossoul porte le nom de Ninive, au passé très riche. Babylone a été reconstituée. Les signes d'appartenance à la Mésopotamie antique sont visibles.

L'Irak est d'ailleurs le seul pays de la région à reconnaître une telle diversité. On a donc assisté au niveau de l'appartenance nationale à une évolution plutôt positive, même si elle s'est déployée dans un contexte répressif. Le nationalisme arabe est capable d'ouverture et de souplesse. Outre la nécessité d'un régime démocratique et pluraliste, et d'une liberté de la presse, nous pensons que l'Irak devrait maintenir un Etat de type unitaire mais largement décentralisé. A l'inverse, un Etat fédéral pourrait constituer, dans le cas de l'Irak, un alibi vers le séparatisme. Pour ce qui est de l'idéologie nationale, qui est ardemment arabe, il serait plus judicieux de passer d'un arabisme intégral et exclusif à un arabisme modéré en raison de la composition ethno-démographique de la société irakienne. Cet arabisme devrait se combiner avec d'autres appartenances nationales. L'Irak est mésopotamien, arabe et kurde, avec son cachet propre.

* Professeur de sciences politiques à l'université catholique de Lyon. Dernier ouvrage paru : Au nom de Dieu! Les Guerres de religion d'aujourd'hui et de demain, J.-C. Lattès, 2002. A paraître : Les Chrétiens d'Irak.




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